Comment collectionner les timbres ?
Une vidéo venant des archives de TV TIMBRES à destination de tous ceux qui veulent se lancer dans la collection.
Une vidéo venant des archives de TV TIMBRES à destination de tous ceux qui veulent se lancer dans la collection.
Quelles techniques emploie-t-on pour authentifier un timbre et comment réussit-on à déjouer les pièges tendus par les faussaires ? Tous les deux mois, cette rubrique pousse pour vous les portes de la maison Calves et lève un coin du voile sur le métier d’expert en timbres-poste de collection.
Ces faussaires qui nous en font voir de toutes les couleurs
N° Yvert et Tellier : n°1405 sans le vert, n°1457 sans les couleurs jaune et rouge, n°1463 bleu au lieu de vert. Résultat de l’expertise : trucages. Bon à savoir : il s’agit sans doute du type de fauxque nous rencontrons le plus souvent à l’expertise. L’imagination des faussaires étant sans limite, quasiment tous les semi-modernes et de nombreux timbres modernes de France sont concernés. Souvent achetées plusieurs dizaines d’euros sur des sites d’enchères en ligne, ces pseudo-variétés sont malheureusement sans aucune valeur.
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Nous ne le répéterons jamais assez : il est extrêmement facile de faire disparaître ou d’altérer la couleur des timbres semi-modernes et modernes de France en les plongeant dans le « bon » produit chimique. Si cette opération laisse parfois des traces (comme sur le n°1405 où l’on voit que le faussaire n’est pas parvenu à entièrement faire disparaître la couleur verte), elle est souvent très réussie et un examen du timbre au microscope et/ou à la lumière rasante est nécessaire pour détecter le trucage. En tout état de cause, concernant les variétés de couleur, faites preuve de la plus grande prudence : ne les achetez que signées et avec certificat d’expert (qu’il provienne de la maison Calves ou d’une autre ayant un nom reconnu). Dans le cas contraire, vous courrez le risque de vous constituer une très belle collection de faux !
Une variété cousue de fil blanc !
N° Yvert et Tellier : n°3, oblitéré grille sur lettre. Résultat de l’expertise : très belle variété d’impression, « trace de fil à travers le timbre ». Bon à savoir : ce type de variété, spectaculaire, fait bondir le prix d’un timbre. Comptez 300 à 400 € pour un exemplaire de ce type, 1er choix sur lettre entière (contre 40 à 50 € pour un exemplaire ordinaire sur lettre).
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Nous n’avons pu résister au plaisir de vous présenter cette variété sur lettre, parfaitement authentique, qui nous a été présentée à expertise récemment. Sa genèse est toute simple : un fil était présent à la surface du papier au moment de l’impression. Retiré par la suite, il a laissé un long sillon blanc sur le timbre. Sachez que de telles variétés se trouvent encore fréquemment, au milieu de lots de lettres en vrac – nous le savons, puisque leurs heureux propriétaires nous demandent ensuite de les authentifier. Alors, chasseurs de Chopins, à vos loupes !
Christian Calves, Alain Jacquart et Vincent Beghin (www.timbres-experts.com).
Quelles techniques emploie-t-on pour authentifier un timbre et comment réussit-on à déjouer les pièges tendus par les faussaires ? Cette rubrique pousse pour vous les portes de la maison Calves et lève un coin du voile sur le métier d'expert en timbres-poste de collection.
Les faux timbres avec surcharge au profit de la "Caisse d'Amortissement"
Ci-dessus : les timbres surchargés au profit de la "Caisse d'Amortissement" au complet... mais tous faux de toute pièce !
Le problème de la dette n'est pas nouveau en France. Déjà, dans les années 20, le montant de celle-ci s'avère trop élevé et l'Etat cherche les moyens de rendre son poids plus supportable. C'est ainsi qu'en 1926, Raymond Poincaré, alors ministre des Finances, crée une "Caisse d'Amortissement" destinée à mieux la réguler et imagine différents mécanismes pour alimenter ce dispositif. Parmi ceux-ci, de manière assez étonnante, figure l'émission de timbres-poste. Plus précisément, la loi de finances du 26 mars 1927 autorise la mise en circulation, chaque année, et pendant une période de cinq ans, de timbres spéciaux surtaxés, sachant que la différence entre le prix de vente et la valeur d'affranchissement doit être versée à la Caisse d'Amortissement. L'objectif assumé est de permettre aux petites bourses d'apporter leur obole au mécanisme de gestion de la dette.
De 1927 à 1931, plusieurs timbres "au profit de la Caisse d'Amortissement" voient ainsi le jour, parmi lesquels cinq séries de trois valeurs surchargées bien connues des philatélistes. Celles-ci sont au même type que les timbres d'usage courant de cette période (Semeuse et Pasteur) avec, en plus, une surcharge qui matérialise la surtaxe. Problème : le ministère des Finances n'a pas suffisamment anticipé le peu d'enthousiasme que peuvent avoir les Français à mettre la main à la poche. Disons-le sans ambages : les chiffres de vente s'avèrent catastrophiques. En ce qui concerne la 1re série, seulement 490 000, 450 000 et 370 000 exemplaires de chaque timbre sont vendus... pour respectivement 4,6 millions, 4,6 millions et 4,58 millions imprimés. Et les choses ne vont pas en s'améliorant avec les années ! Ainsi, les timbres de la 2e série ne se vendent respectivement qu'à 290 000, 260 000 et 220 000 exemplaires et les 3e, 4e et 5e séries font pire encore.
Sur le marché philatélique, la conséquence de cet échec se fait ressentir quelques années plus tard. Dès les années 30, à une époque où le nombre de collectionneurs est en pleine croissance, les stocks de timbres surchargés "Caisse d'Amortissement" s'avèrent insuffisants pour satisfaire la demande et les prix grimpent. Conséquence immédiate : des faux apparaissent sur le marché, très dangereux, car très bien imités. Ce sont ces faux d'époque que nous vous présentons aujourd'hui dans cet article. Il faut savoir qu'il est rare de les voir comme ici réunis en cinq séries complètes dans un seul et même ensemble. En revanche, les timbres dépareillés sont nombreux : on les trouve vendus à la pièce ou, beaucoup plus subtilement, au milieu d'une série comprenant par ailleurs un ou deux timbres parfaitement authentiques.
Venons-en maintenant aux repères permettant de détecter ces contrefaçons. Au-delà de différences assez nettes de couleur, ce à quoi vous devez porter attention, c'est avant tout à la qualité du dessin. Autant celui des timbres authentiques est délicat, autant celui des faux est grossier. Plus précisément, concernant les timbres au type Pasteur, examinez le front et la joue du portrait : sur les faux, l'épaisseur et la trop grande régularité des traits doit vous interpeler. Pour ce qui est des timbres au type Semeuse, regardez le visage de l'effigie : sur les contrefaçons, il a un aspect rudimentaire, quasiment enfantin. Enfin, petit "truc" supplémentaire, scrutez le chiffre "2", lorsque vous êtes face à un timbre surchargé "+25 c." : sur les faux, il particulièrement mal imité, trop large, et même presque difforme... A vos loupes !
Christian Calves, Alain Jacquart et Vincent Beghin (www.timbres-experts.com)
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Alerte aux faux timbres au type Mouchon !
N° Yvert et Tellier : n°127. Résultat de l’expertise : faux de toute pièce (valeur nulle). Bon à savoir : nous n’avons pour l’instant rencontré ce faux que sur des timbres au type retouché (émission de 1902), mais il est très probable qu’il existe également sur l’émission de 1900-01. Ouvrez l’oeil ! |
Grande première ! Il n’existait pas (à notre connaissance) jusqu’à présent de faux de toute pièce au type Mouchon : c’est désormais chose faite. L’exemplaire ci-dessus nous a été présenté à l’expertise courant février. Il s’agit d’un faux relativement dangereux, dans la mesure où le dessin de l’original est bien imité. Toutefois, malgré son talent, le faussaire n’a pu empêcher que subsistent certaines différences. En voici quelques- unes :
- L’impression est trop précise. Les traits du dessin sont nets, alors que dans l’original, ils sont hésitants et parfois interrompus. Les feuilles de la frise qui borde le timbre ont ainsi un aspect trop régulier, presque enfantin.
- Le faussaire jugeait-il le dessin de départ trop imparfait ? Toujours est-il qu’il lui a apporté quelques améliorations de son cru :
Gardez bien en tête ces quelques repères, car nous craignons fortement que ces « faux Mouchon » aient été produits en quantité et fassent prochainement des ravages sur les sites d’enchères en ligne.
Quand le Poste aérienne 15 perd son burelage…
N° Yvert et Tellier : poste aérienne n°15 (burelé). Résultat de l’expertise : timbre avec oblitération grattée et grossièrement réparé (valeur quasi nulle). Bon à savoir : bien qu’elles soient moins fréquentes que sur les timbres classiques, les réparations existent aussi sur les timbres semi-modernes. Outre les oblitérations grattées, on trouve également souvent des « redentelages » destinés à recréer des dents courtes ou manquantes.
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Il est bien dommage qu’il n’existe pas de prix du pire réparateur de l’année, car nous le décernerions volontiers à celui qui a voulu trafiquer ce malheureux PA n°15. A la base, l’objectif était vraisemblablement assez simple : « gratter » une oblitération faiblement marquée, puis regommer le timbre, pour le faire passer pour neuf**. Malheureusement, ici, l’opération a tourné au fiasco :
Sous l'œil de l'expert
Quelles techniques emploie-t-on pour authentifier un timbre et comment réussit-on à déjouer les pièges tendus par les faussaires ? Cette rubrique pousse pour vous les portes de la maison Calves et lève un coin du voile sur le métier d'expert en timbres-poste de collection.
Apprenez à repérer les faux “Pont du Gard” dentelés 11 !
Faux "Pont du Gard" n°262B : la dentelure 11 résulte d'un trucage.
Quel timbre déconcertant que celui émis en 1929 représentant le pont du Gard ! En effet, il possède à lui seul pas moins de 3 numéros au catalogue Yvert et Tellier : 262, 262A et 262B, sachant que le n°262 est lui-même divisé en deux types différents, le IIA et la IIB. De quoi égarer les philatélistes... et faire le bonheur des faussaires, certains n'hésitant pas à transformer des n°262 ou 262A (cotés respectivement 50 et 45 euros oblitérés) en 262B (cotés pour leur part 450 euros). D'où l'objectif de cet article : vous aider à y voir plus clair et à éviter les chausse-trappes.
Tout commence début 1929 lorsque le Commissariat général au tourisme demande à l'administration postale d'émettre une série de timbres-poste représentant des sites et monuments français. Cette dernière y voit l'occasion de remplacer la série au type "Merson" qui, depuis bientôt trente ans, s'attire les critiques des philatélistes en raison de son manque d’esthétisme. C'est ainsi que, de 1929 à 1931, cinq nouveaux timbres voient le jour, représentant respectivement le pont du Gard, le port de La Rochelle, le Mont Saint-Michel, la cathédrale de Reims et l'Arc de Triomphe.
Pour ce qui est de mettre fin aux protestations des philatélistes, l'opération est un échec. Le "pont du Gard" suscite en effet un véritable tollé. Il faut dire que le timbre ne ressemble que de très loin au monument, l'artiste, Henry Cheffer ayant pris de nombreuses libertés avec la réalité (les dimensions et le nombre des arcades, notamment, sont inexacts). De plus, la couleur "chaudron" est vivement critiquée. Cependant, ce mauvais accueil n'empêche pas notre "pont du Gard" de connaître une longue carrière : il n'est en effet retiré de la circulation qu'en 1938.
Dans ce contexte, à quoi correspondent les 3 numéros attribués à ce timbre par le catalogue Yvert et Tellier ? Tout simplement aux techniques différentes employées pour imprimer et denteler le timbre. Ainsi, de 1929 à 1930, a lieu un premier tirage (ou type I), à plat sur presse à bras et par feuilles de 50 exemplaires : c'est à celui-ci que correspond le numéro 262A (la numérotation ne suivant malheureusement pas l'ordre chronologique). A partir de 1931, a lieu un deuxième tirage (ou type II), cette fois-ci par rotative et par feuille de 25 exemplaires. A celui-ci est attribué le numéro 262. Par ailleurs, en 1930 (c'est-à-dire lors du premier tirage), se produit une erreur de manipulation des rames de papier, qui rend nécessaire le recours à une machine spécifique pour les perforer. Les timbres concernés, dont la dentelure est de taille 11, c'est-à-dire très large, et avec des inégalités dans les angles de chaque timbre, portent le numéro 262B du catalogue.
A gauche : n°262A (timbre issu du 1er tirage, dentelure ordinaire). A droite : n°262B (timbre issu du 1er tirage, dentelé 11).
Concrètement, les timbres du premier tirage (262A et 262B) et du deuxième tirage (262) présentent, hormis les questions de dentelures, des spécificités permettant de les distinguer facilement. Ainsi, les n°262A et 262B sont imprimés sur du papier opaque et avec, au verso, une gomme blanche et épaisse, alors que les n°262 le sont sur du papier transparent et avec une gomme fine et incolore. Et surtout, le poinçon utilisé par Cheffer n'ayant pas été le même lors du premier et du second tirage, des différences de dessin existent. Ainsi, dans le premier cas (n°262A et 262B), l'ombre sous la seconde arcade gauche moyenne du pont est terminée par des lignes horizontales qui se "perdent dans le vide". Dans le deuxième cas (n°262), en revanche, ces lignes horizontales sont interrompues à leurs extrémités droites par des traits obliques.
En haut : n°262A (premier tirage, lignes se perdant dans le vide). En bas n°262 (deuxième tirage, lignes interrompues par des traits obliques).
Dernière subtilité : lors du deuxième tirage, un nouveau problème s'est produit (décidément, l'émission du Pont du Gard n'a pas été avare en la matière). Au cours de l'impression, une cassure involontaire, due à l'usure, est apparue sur certains timbres, dans le filet intérieur droit du cadre entourant le pont du Gard. Cette variété s'est vue attribuer un numéro au catalogue Yvert et Tellier. Jusque-là, rien d'anormal sauf que, pour des raisons difficilement explicables, c'est d'un numéro entier dont elle a hérité : le n°292. Le timbre "normal" a, en revanche, été relégué de manière tout à fait contre-intuitive dans les bas-fonds de la classification, sous le n°292c.
Timbres se tenant : en haut, le n°292c (deuxième tirage sans la cassure, dit aussi type IIA) ; en bas, le n°292 (deuxième tirage avec la cassure, dit aussi type IIB).
Venons-en maintenant aux timbres truqués. Les dentelés 11 (ou n°262B) issus du premier tirage étant de loin les "pont du Gard" les plus recherchés, il est très tentant pour un faussaire de redenteler des timbres de valeur inférieure (les 262 et 262A) et d'empocher à la revente une jolie plus-value. Comment repérer ce type de faux ? Rien de plus facile lorsque notre escroc, comptant sur le manque de vigilance des acheteurs, s’est servi d'un timbre issu du deuxième tirage : dans ce cas, les incohérences sautent aux yeux. Il en va ainsi du timbre qui fait l'objet de cet article. Regardez les lignes sous l'arcade du pont : elles sont interrompues par des traits obliques au lieu de se perdre dans le vide. De même, observez le filet du cadre inférieur : on y trouve une cassure qui n'a rien à y faire. Aucun doute possible : ce timbre est en réalité non pas un n°262B, mais un n°262 (type IIB) truqué.
Mais comment faire, vous demandez-vous peut-être, lorsque le faussaire s’est montré (un peu) plus malin et s’est servi d’un n°262A, c'est-à-dire un timbre issu du même tirage que le n°262B (à savoir le premier) ? Dans ce cas, le dessin ne peut vous être d'aucune utilité. Le plus sûr est de vous fier à la taille du timbre : le faussaire ayant dû "rogner" sur celle-ci pour créer la nouvelle dentelure, il est toujours anormalement petit (pour vous en assurer, positionnez-le pour le comparer à côté d'un n°262B authentique). Par ailleurs, il est très rare que le faussaire ait réussi à imiter de manière convaincante la dentelure linéaire très spécifique des n°262B. Dans le cas présent, par exemple, la plupart des dents sont beaucoup trop fines et pointues, là où elles devraient être larges et aplaties au sommet. Enfin, intéressez-vous à la couleur : les n°262B ne sont jamais de teinte chaudron ou chaudron foncé, mais toujours chaudron clair.
A gauche : notre timbre truqué (de couleur chaudron). A droite : un timbre authentique (de couleur chaudron clair). Constatez les différences de dimensions et de dentelure !
Christian Calves, Alain Jacquart et Vincent Beghin (www.timbres-experts.com)
Quelles techniques emploie-t-on pour authentifier un timbre et comment réussit-on à déjouer les pièges tendus par les faussaires ? Chaque mois, cette rubrique pousse pour vous les portes de la maison Calves et lève un coin du voile sur le métier d’expert en timbres-poste de collection.
N° Yvert et Tellier : Saint-Pierre et Miquelon, n°249. Résultat de l’expertise : fausse surcharge réalisée par imprimante. La valeur de ce timbre est quasi-nulle (contre plus de 1 000 euros pour un timbre authentique neuf**). Bon à savoir : tous les timbres de Saint-Pierre et Miquelon surchargés France libre (n°212 à 290, n°310 à 311B, taxe n°42 à 66 et colis postal n°5) existent avec fausse surcharge, y compris les valeurs ne cotant que quelques dizaines d’euros. |
Décembre 1941, l’amiral Muselier prend possession de Saint-Pierre et Miquelon au nom de la France libre. Dans les jours et mois suivants, les timbres trouvés sur place sont surchargés, dans un but à la fois commémoratif et philatélique. Pour certains, les quantités sont importantes, pour d’autres très faibles. Dans ce contexte, des faux apparaissent presque aussitôt sur le marché, souvent très bien réalisés, et qui demandent un examen patient sous microscope pour être détectés. Il en va tout autrement des faux récents, réalisés à l’imprimante, qui inondent le marché ces dernières années et qui, eux, peuvent être identifiés avec rapidité. En effet, il est très fréquent que l’impression par imprimante laisse derrière elle des points ou traits de couleur parasites. Dans le cas présent, on remarque ainsi un trait bleu très net, au bas des lettres de la surcharge, qui n’existe pas sur les timbres authentiques. Notre conseil : examinez à la loupe les timbres que l’on vous propose à l’achat. S’ils présentent ce genre de bizarrerie, abstenez-vous !
« Vraies » et « fausses » variétés de couleur
N° Yvert et Tellier : n°1282 sans la couleur rouge. Résultat de l’expertise : trucage, valeur nulle. Bon à savoir : méfiez-vous particulièrement des variétés « sans la couleur rouge ». Les pigments rouges sont en effet les plus faciles à faire disparaître sur un timbre, dans la mesure où ils résistent mal aux solvants. |
Nous ne le répéterons jamais assez : il est extrêmement facile de faire disparaître ou d’altérer la couleur de nombreux timbres en les plongeant dans le « bon » produit chimique. Cette opération laisse souvent des traces, comme c’est le cas pour ce n°1282. S’il semble tout à fait authentique à l’œil nu, un examen sous U.V. suffit à révéler la supercherie : la couleur rouge réapparaît en effet de manière très nette, le produit utilisé n’ayant pas « attaqué » les pigments suffisamment en profondeur.
Il existe a contrario des variétés de couleur parfaitement authentiques, qui constituent une thématique de collection passionnante. Nous profitons de l’occasion pour vous présenter une variété spectaculaire, qui nous a été présentée lors du dernier Salon philatélique d’automne et qui devrait beaucoup faire parler d’elle dans les mois à venir : le « Saint-Gobain sans taille douce » (c’est-à-dire sans la manufacture et la date 1665). Cette variété, déjà signalée sous le numéro 4984a dans le catalogue Yvert 2017, existe également sur lettre ayant circulé.
Timbres ordinaires |
Variétés « sans taille douce » |
Variété sur lettre |
Christian Calves, Alain Jacquart et Vincent Beghin (www.timbres-experts.com).
Quelles techniques emploie-t-on pour authentifier un timbre et comment réussit-on à déjouer les pièges tendus par les faussaires ? Cette rubrique pousse pour vous les portes de la maison Calves et lève un coin du voile sur le métier d’expert en timbres-poste de collection.
Lorsqu’un Sage au type II se transforme en type I…
Pendant la discussion du budget de 1876, un député émet le vœu de voir changer le type des timbres en cours. Le gouvernement accepte la proposition et, par décision du 5 juillet 1875, le ministre des Finances ouvre un concours pour la création d’un nouveau type de timbre-poste. Le lauréat de ce concours est un certain J.A. Sage, d’où le nom qui est donné aujourd’hui à cette émission.
Là où l’affaire se complique, c’est que la gravure du timbre est confiée à Louis-Eugène Mouchon et que ce dernier connaît quelques déboires, lors de la réalisation du poinçon du timbre. En effet, le poinçon se fend et Louis-Eugène Mouchon doit refaire la gravure dans l’angle inférieur gauche, à l’endroit où se trouvent les inscriptions « J.A. SAGE INV. » (une abréviation pour J.A. SAGE INVENIT, c’est-à-dire en latin « J.A. Sage a créé ce timbre »).
De cet accident résulte qu’il existe deux types pour les timbres au type Sage : le type I qui correspond aux timbres produits à partir du poinçon après l’accident, et le type II qui correspond aux timbres produits à partir du poinçon avant l’accident. Concrètement, les types se distinguent par la position du « N » de « INV. » : sous le « B » de « République française » pour le type I, et sous le « U » pour le type II.
Les chiffres de tirage ayant été très différents, les cotes des timbres de même couleur et de même faciale peuvent être multipliés par plus de 10, selon qu’il sont au type I ou au type II. Ainsi, le 2 c. vert au type I (n°62 du catalogue Yvert et Tellier) est coté 340 euros oblitéré, contre 30 euros pour le même timbre au type II (n°74 du catalogue Yvert et Tellier).
Dans ce contexte, il est tentant pour un faussaire de transformer un type II en type I, en effaçant les lettres INV et en les redessinant. C’est ce qui s’est produit pour le timbre à droite ci-dessous : grossièrement repeintes, les lettres n’ont plus ni la forme, ni la taille, ni la couleur de celle d’origine… et pourtant, cela n’a pas empêché un collectionneur d’acheter ce timbre sur Internet comme authentique ! D’où ce conseil que nous ne répéterons jamais assez : ne prenez pas pour argent comptant les descriptions des vendeurs, notamment sur les sites d’enchères en ligne ; au contraire, faites preuve d’esprit critique et de sens de l’observation !
Christian Calves, Alain Jacquart et Vincent Beghin (www.timbres-experts.com).
Quelles techniques emploie-t-on pour authentifier un timbre et comment réussit-on à déjouer les pièges tendus par les faussaires ? Cette rubrique pousse pour vous les portes de la maison Calves et lève un coin du voile sur le métier d’expert en timbres-poste de collection.
N° Yvert et Tellier : n°242A. Résultat de l’expertise : faux de toute pièce (valeur nulle). Bon à savoir : en raison des facilités qu’offrent les techniques d’impression modernes, les faux de ce type se multiplient pour les timbres semi-modernes. |
Faux de toute pièce |
Timbres authentiques |
Nous avions présenté, dans un article précédent (n°187, février 2017) un faux de toute pièce au type Mouchon. Voici aujourd’hui venu le tour d’une contrefaçon tout aussi dangereuse, concernant cette fois la paire avec intervalle issue du bloc émis en 1927 pour l’exposition philatélique internationale de Paris.
Rappelons-le pour commencer : il est strictement impossible pour un faussaire de reproduire à l’identique un timbre, d’une part parce qu’il travaille avec un matériel différent de celui d’origine, et d’autre part parce qu’il doit entièrement recréer le dessin original, ce qui l’amène à commettre des infidélités. De ce fait, il vous est tout à fait possible, en tant qu’acheteur, de repérer les faux en circulation sur le marché.
Le plus simple est de vous fier à la couleur des timbres (un bon équilibre des nuances étant ce qu’il y a de plus difficile à reproduire par les faussaires) et au papier (ceux-ci n’ayant que rarement à disposition un papier d’époque, même si certains petits malins n’hésitent pas à imprimer leur production sur des bords de feuille originaux). Dans le cas présent, regardez ainsi la teinte rouge du timbre faux à 10 f. : son aspect terne, « éteint », doit vous alerter.
Toutefois, il est vrai que nombreux sont ceux parmi vous qui effectuent leurs achats sur Internet, plutôt qu’en direct à des marchands ou sur des bourses, et ne peuvent donc se fier aux couleurs des timbres, car n’ayant à disposition que des photos de plus ou moins bonne qualité. Dans ce contexte, fiez-vous à votre sens de l’observation !
En l’occurrence, ici, un simple coup d’œil à la dentelure suffit à dénoncer la supercherie. Regardez les trous entre l’intervalle et le timbre à 10 f. : ils ne sont ni alignés, ni espacés avec régularité. Croyez-vous que les services postaux aient pu se contenter d’un tel résultat ? Non, bien entendu ! Il s’agit là du signe que le timbre est une contrefaçon, réalisée avec un peigne de mauvaise qualité.
Intéressez-vous également au dessin : la contrefaçon pèche par un manque de finesse, une impression générale de flou. Ainsi, certains détails sautent aux yeux :
En conclusion, sachez que l’observation est une question d’entraînement. Notre conseil : ne croyez aveuglément les descriptions données par les vendeurs, mais prenez le temps d’examiner les timbres et, en cas de doute, informez-vous, soit en consultant la littérature philatélique (elle est toujours de bons conseils), soit en demandant l’avis d’un expert compétent.
Christian Calves, Alain Jacquart et Vincent Beghin (www.timbres-experts.com).
Quelles techniques emploie-t-on pour authentifier un timbre et comment réussit-on à déjouer les pièges tendus par les faussaires ? Tous les mois, cette rubrique pousse pour vous les portes de la maison Calves et lève un coin du voile sur le métier d’expert en timbres-poste de collection.
Les fausses lettres des expéditions polaires en Terre Adélie
Lettre fausse : tous les cachets sont des fabrications
Lettre authentique
Un peu d’histoire pour commencer : Jules Dumont d'Urville, découvre en 1840 la Terre Adélie, portion du continent antarctique, dont il reconnaît 150 milles de côte. Mais ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que plusieurs pays, dont la France, envisagent de créer sur le continent des stations afin mieux asseoir leurs revendications territoriales. Les deux premières expéditions scientifiques, organisées par Paul-Émile Victor, ont lieu entre 1948 et 1950 et s’accompagnent de la création d’un service postal.
Ainsi, 26 novembre 1948, le navire Commandant Charcot appareille de Brest avec pour objectif d’installer la première base française en Terre Adélie. A son bord : 48 hommes d’équipage dont 9 officiers, les 12 membres de la mission scientifique sous la direction du chef de l’expédition A. F. Liotard, 35 chiens… et le matériel nécessaire pour créer un service postal. La quantité de courrier est, elle, limitée : on estime que le nombre de plis se situe entre 1 900 et 2 000.
Problème : si A. F. Liotard avait d’abord vu comme secondaire la tâche d’affranchissement et d’oblitération des plis philatéliques, il se rend vite compte, au vu des sacs de courrier qui s’entassent dans sa cabine, qu’elle va se révéler particulièrement chronophage. C’est la raison pour laquelle il prend sur lui, à partir du 7 février 1949, alors que la Terre Adélie n’est pas encore en vue, d’effectuer le traitement du courrier en oblitérant les plis avec un cachet antidaté du 15 février 1949 (date à laquelle il estime que le débarquement aura été effectué), et en apposant également d’autres cachets (à savoir, notamment, la griffe administrative de l’expédition EXPEDITION ANTARCTIQUE FRANCAISE 1848-1850 et le cachet illustré officiel à l’effigie de Dumont d’Urville).
Mal lui en prend ! En effet, rien ne se passe comme prévu et l’accès à la Terre Adélie se révèle inaccessible. Après plusieurs tentatives pour trouver un passage en eau libre, le Commandant Charcot finit par rebrousser chemin, le 23 février 1949. Que faire, dans cette situation, des plis déjà oblitérés ? La réponse de l’administration tombe le 17 mars 1949 : ne surtout pas les faire parvenir aux destinataires, mais les conserver dans des sacs plombés jusqu’à la prochaine expédition !
C’est chose faite en 1950. Le 18 janvier, le navire mouille face au cap de la Découverte. Le 19, une équipe se rend à terre. Le 20, le débarquement des 250 tonnes de matériel commence. Et le 3 février, a lieu la cérémonie de lever des couleurs. En ce qui concerne le courrier, A.F. Liotard s’en occupe à partir du 20 janvier : les plis de l’expédition précédente sont réoblitérés avec un cachet à date puis, le 9 février, le Commandant Charcot prend le large en les emportant avec lui. Une partie sera confiée à la poste Hobart, en Australie, pour être acheminé par la voie aérienne (d’où la présence de cachets de transit cette ville et de Sydney au dos de certains plis), les autres seront déposés au gré des escales du navire (Madagascar, La Réunion, Djibouti, Algérie) jusqu’à l’escale finale de Brest.
Aujourd’hui, ces lettres sont très recherchées par les collectionneurs spécialistes de la thématique polaire. Ce que beaucoup d’entre eux, en revanche, ne savent pas, c’est qu’il en existe des fabrications de toute pièce, particulièrement réussies. Le meilleur moyen de les distinguer est d‘examiner le cachet à date, d’un diamètre de 28 mm, portant en couronne « TERRE ADELIE – ANTARCTIQUE ». Lorsqu’il est authentique, le A de ADELIE a les jambages beaucoup plus rapprochés que lorsqu’il est falsifié. Autre repère : sur les lettres fausses, on ne trouve pas d’accent sur le « E » du mot EXPEDITION dans la griffe EXPEDITION ANTARCTIQUE FRANCAISE 1848-1850. Par ailleurs, le cachet Dumont d’Urville falsifié est toujours trop net, trop bien frappé.
Notons enfin, en ce qui concerne la lettre présentée dans cet article, comme souvent, que les faussaires ont voulu trop en faire. Ils ont en effet ajouté au verso un cachet de transit à Sydney, ce qui est constitue une erreur : celui-ci n’a en effet été apposé que sur des lettres recommandées (or, notre lettre est une lettre simple). De même, le cachet d’arrivée à Toulouse qui n’a aucune raison d’être : de nouveau, parce que notre lettre n’est pas une lettre recommandée et, de surcroît, parce qu’elle est à destination de Sandillon, dans le Loiret, et non de Toulouse !
Christian Calves, Alain Jacquart et Vincent Beghin (www.timbres-experts.com).
Une histoire tirée du hors-série Le dessous des timbres publié par Timbres magazine.
Vous souhaitez savoir comment se déroule une grande vente aux enchères ? Cette vidéo vous fait entrer dans les coulisses de la Maison David Feldman à Genève.
https://www.youtube.com/watch?v=fqscRHun5dc
Dans cette courte vidéo issue des archives de TV TIMBRES, on vous explique notamment comment retirer une charnière.
Quelles techniques emploie-t-on pour authentifier un timbre et comment réussit-on à déjouer les pièges tendus par les faussaires ? Cette rubrique pousse pour vous les portes de la maison Calves et lève un coin du voile sur le métier d’expert en timbres-poste de collection.
Un trucage à portée de tous les apprentis faussaires…
N° Yvert et Tellier : Monaco, bloc n°2A. Résultat de l’expertise : il s’agit en réalité d’un bloc n°2 truqué (valeur nulle). Bon à savoir : il n’est pas rare que des faussaires « sacrifient » des timbres d’une certaine valeur pour les faire passer pour d’autres ayant une cote plus élevée. |
Bloc n°2 transformé en bloc n°2A |
Bloc n°2 |
Bloc n°2A authentique |
1947 est une année de célébration à Monaco, celle du 25e année de règne du souverain régnant, le prince Louis II. A l’image de ce qui avait été fait en 1937 pour les 15 ans de règne, l’administration postale monégasque fait le choix d’émettre un bloc-feuillet commémoratif pour l’occasion. Celui-ci est imprimé sur papier blanc à 82 000 exemplaires. Un tirage tout à fait raisonnable pour l’époque, qui suffit largement à contenter les collectionneurs. Mais l’histoire ne s’arrete pas là : non sans arrière-pensées philatéliques, un tirage spécial du bloc, réservé aux services princiers, est également effectué, cette fois-ci sur papier bleuté. Les chiffres de tirage sont bien inférieurs : pas plus de 1 000 exemplaires ! Il n’en faut pas plus pour que ce bloc devienne un objet de convoitise, d’autant que le catalogue Yvert lui attribue un numéro particulier : le n°2A, contre le n°2 pour le bloc « ordinaire ».
Mettez-vous à présent à la place d’un faussaire : quoi de plus tentant que de mettre la main sur quelques blocs n°2, de les teinter artificiellement en bleu, et de les faire passer pour des blocs n°2A ? Sachant que les premiers (en qualité neufs**) se négocient entre 600 et 700 euros, contre une vingtaine d’euros pour les seconds, nous pouvons vous assurer que nombreux sont ceux qui s’essaient à cette falsification. Rien de plus simple, en réalité : il suffit de plonger le timbre dans un bain colorimétrique, de l’en retirer et de le laisser sécher… puis de le mettre en vente sur Internet et d’attendre qu’un philatéliste trop naïf morde à l’hameçon.
Venons-en maintenant à l’essentiel : comment faire pour repérer ces falsifications ? Le premier indice est la couleur car il n’est jamais possible de reproduire une nuance à l’identique. Dans le cas présent, le faussaire n’est parvenu à obtenir qu’une teinte à mi-chemin entre le vert et le bleu, fort éloignée du véritable bleuté du timbre d’origine. Toutefois, nous ne le répéterons jamais assez, lorsque vous achetez des timbres sur Internet, méfiez-vous : en fonction du scanner ou de l’appareil photo utilisé par le vendeur, les couleurs peuvent avoir un « rendu » très éloigné de la réalité. En d’autres termes, une mauvaise photo peut faire passer pour faux un timbre tout à fait authentique !
Dans ce contexte, pour démêler à coup sûr le vrai du faux, c’est à une autre observation que vous devez vous livrer : celle de la signature « Atelier de Fabrication des Timbres-Poste, PARIS », dans le coin inférieur droit du bloc. En effet, celle-ci est systématiquement présente sur les blocs n°2A, mais pas sur les blocs n°2. Autrement dit, si l’on vous propose un bloc n°2A sans signature, n’ayez aucune hésitation : il s’agit d’un faux ! Si la signature est présente, comparez-la à celle d’un bloc dont vous êtes assuré de l’authenticité (ou conservez cet article à titre de référence). Dans le cas présent, le trucage saute aux yeux : la fausse signature est une imitation grossière, effectuée à la photocopieuse. Rien ne correspond : ni la taille, ni la forme des caractères, et le faussaire (qui n’était plus à cela près) a même rajouté une faute d’orthographe (Postes avec un « s ») et un tiret en trop après « Paris ».
Signature fausse |
Signature authentique |
Christian Calves, Alain Jacquart et Vincent Beghin (www.timbres-experts.com).
Quelles techniques emploie-t-on pour authentifier un timbre et comment réussit-on à déjouer les pièges tendus par les faussaires ? Chaque mois, cette rubrique pousse pour vous les portes de la maison Calves et lève un coin du voile sur le métier d’expert en timbres-poste de collection.
Recto |
N° Yvert et Tellier : 153. Résultat de l’expertise : timbre avec gomme non originale et fausse signature Calves. La valeur de ce timbre, une fois nettoyé, est (au mieux) celle d’un oblitéré, soit une cinquantaine d’euros, contre 6 à 7 fois plus pour un timbre neuf**. Bon à savoir : 30 % environ des timbres classiques et semi-modernes neufs qui nous sont soumis à expertise s’avèrent regommés, c’est-à-dire (malheureusement) un pourcentage énorme. |
Sous ses airs anodins, ce n°153 mérite sans conteste sa place dans le petit musée des horreurs philatéliques. Il s’agit en effet, à l’origine, d’un exemplaire avec forte charnière qu’un faussaire a dégommé (ou qu’il a récupéré directement sans gomme), puis sur lequel il a apposé une fausse signature Calves avant, finalement, de le regommer afin de le faire passer pour neuf** ! Beaucoup de temps passé pour pas grand-chose car, malheureusement pour lui, il a laissé derrière lui un certain nombre d’indices qui trahissent son travail.
Regardez les bordures blanches que l’on retrouve aux extrémités des dents de ce timbre : vous n’en trouverez jamais de semblables sur un exemplaire normal. Elles doivent leur existence au fait que le faussaire, avant de procéder au regommage, ait « coincé » le timbre sous un cache en métal ou en plastique. En conséquence, l’extrémité des dents est restée sans gomme, donc blanche. Sur un timbre sans trucage, le gommage aurait recouvert l’intégralité de la surface du papier, sans exception.
Mais pourquoi, vous demandez-vous peut-être, le faussaire s’est-il servi de ce fameux cache ? Tout simplement pour éviter que la fausse gomme ne « déborde » au-delà des dents. En effet, dans ce cas, celle-ci aurait pu tacher le recto du timbre ou encore créer une « épaisseur » caractéristique sur la tranche, ce qui aurait rendu le trucage encore plus évident. Le faussaire a dû se dire qu’une mince bordure blanche au verso aurait, en revanche, plus de chances de passer inaperçue, surtout auprès de philatélistes non avertis… La publication de cet article risque, à l’avenir, de lui compliquer un peu le travail.
N° Yvert et Tellier : poste aérienne n°6b, outremers vif. Résultat de l’expertise : ces timbres, qui nous ont été présentés (à des dates différentes) comme des « outremer ordinaires » (n°6a), sont repartis signés « comme outremer » vifs et accompagnés de certificats les authentifiant comme tels. Une belle surprise pour leurs propriétaires, dans la mesure où la cote d’un 6b est plus de 5 fois supérieure à celle d’un 6a. Bon à savoir : la différence entre les nuances outremer et outremer vif est subtile. Il n’existe pas de « truc » pour la détecter en un clin d’œil… sauf lorsque le timbre est avec coin daté ! |
La nuance « outremer vif » du PA n°6 est le genre de sujet qui alimente des débats sans fin sur les forums de philatélistes sur Internet. Disons-le tout net : pour l’identifier, n’utilisez pas de nuancier ! Ces supports ne reproduisent jamais les couleurs de manière fiable et ne doivent donc pas vous servir de référence. La technique adéquate à employer est de posséder en stock un « outremer » et un « outremer vif » et de comparer ces exemplaires au timbre à identifier, à la fois à la lumière du jour et à la lampe U.V. Seule exception : lorsque le timbre est accompagné d’un coin daté. En effet, les PA n°6 ont été imprimés dans la nuance « outremer vif » uniquement à deux dates bien précises, le 12/09/ 1930 et 24/10/1930, et il est très vraisemblable que l’intégralité du tirage à ces dates ait été concerné.
Contrairement à ce que nous entendons parfois dire, ce type d’information ne constitue pas des « secrets » que les experts garderaient jalousement pour eux et s’abstiendraient de communiquer aux philatélistes. En l’occurrence, il suffit d’ouvrir le bon livre pour en prendre connaissance, à savoir le Catalogue spécialisé des timbres-poste de France 1900-1940 de Robert Françon et Jean Storch, édité en 1973. Nous ne saurions trop vous conseiller d’acquérir ce genre d’ouvrages de référence, d’autant qu’il s’en trouve régulièrement à des prix peu élevés sur les sites d’enchère en ligne (quelques dizaines d’euros).
Christian Calves, Alain Jacquart et Vincent Beghin (www.timbres-experts.com).
Quelles techniques emploie-t-on pour authentifier un timbre et comment réussit-on à déjouer les pièges tendus par les faussaires ? Cette rubrique pousse pour vous les portes de la maison Calves et lève un coin du voile sur le métier d’expert en timbres-poste de collection.
Petites et grandes vérités sur les timbres de la Poche de Saint-Nazaire
Il arrive très fréquemment que des philatélistes nous questionnent sur les timbres de la Poche de Saint-Nazaire. Certains s’inquiètent de leur légitimité (n’auraient-ils pas circulé sur courrier uniquement par complaisance, sans l’aval des autorités ?). D’autres s’étonnent de les trouver en vente à bas prix sur Internet (ces timbres ne seraient-ils donc pas aussi rares que le laissent à penser les chiffres de vente officiels – à savoir 19 000 exemplaires écoulés pour le 50 c. vert – et 16 000 pour le 2 f. brun ?). Pour lever ces inquiétudes, nous vous donnons dans cet article toutes les informations clés permettant de démêler le vrai du faux.
Le contexte historique : la persistance de « poches » allemandes sur la côte atlantique
A partir d’août 1944, les troupes alliées libèrent rapidement l’ouest de la France… mais laissent de côté un certain nombre de poches de résistance allemandes sur la façade atlantique (à savoir Saint-Nazaire, Lorient, La Rochelle et Royan). Les Américains ont en effet pour objectif la poursuite de l’offensive vers Berlin et ne souhaitent pas sacrifier des hommes pour libérer ces zones que la Wehrmacht a constitué en forteresses inexpugnables. Ainsi, celles-ci perdurent jusqu'à la capitulation de l’Allemagne, le 8 mai 1945, voire pour certaines un peu au-delà.
A l’intérieur des poches, les civils se retrouvent piégés : ils sont plus de 130 000 dans le cas de Saint-Nazaire. Si un certain nombre d’entre eux réussissent à être évacués à partir d’octobre 1944, les autres doivent subir les tirs d’artillerie, les bombardements et les restrictions. Pour autant, à l’intérieur de la poche, les services publics continuent d’être assurés : ainsi, les bureaux de poste restent ouverts et le courrier est expédié et distribué normalement… à ceci près qu’à la fin mars 1945, certains timbres viennent à manquer (les 2 francs et 0,50 francs au type Pétain).
Emission légitime ou illégitime ?
Pour faire face à cette pénurie, c’est par un arrêté tout ce qu’il y a de plus officiel du 30 mars 1945 que la Chambre de Commerce de Saint-Nazaire obtient de la Sous-Préfecture l’autorisation de tirer deux vignettes pour affranchir le courrier : une de couleur rouge à deux francs et l’autre de couleur verte à cinquante centimes. Représentant le blason de Saint-Nazaire (une nef avec une voile chargée d’une clé d’or), elles sont émises le 9 avril et retirées de la vente le 8 mai.
Dans la mesure où leur émission a été approuvée par les autorités, la légitimité de ces timbres n’est pas à remettre en cause : ils ont tout à fait leur place dans vos albums. Certes, la plupart des lettres connues ont été expédiées par des collectionneurs à des collectionneurs. Pour autant, des courriers « non philatéliques » existent également : ce sont celles-là que les puristes rechercheront en priorité.
Carte postale issue d’une archive familiale. Certes, les cachets ne sont pas aussi bien frappés que sur la lettre précédente ; certes, on note quelques taches d’humidité… mais il est indéniable que cette carte a été expédiée par un habitant de la poche à un autre, sans arrière-pensée philatélique. |
Lettre authentique, mais philatélique. Notez les cachets parfaitement frappés, les timbres disposés au cordeau… et l’adresse du destinataire : le « rayon philatélique » de la Centralisation du livre ! |
Timbre authentique |
Timbre faux |
- Le S de Saint et le N de Nazaire ne sont pas alignés verticalement. |
- Les initiales « EG » de la signature sont séparées par un point au lieu d’être collées. |
- Le R et le E finaux de « Nazaire » sont de même taille, alors que le E devrait être plus petit. |
Christian Calves, Alain Jacquart et Vincent Beghin (www.timbres-experts.com